samedi 11 avril 2009

Juste une mise au point


La situation du secteur de la musique préoccupe depuis longtemps. L'arrivée d'Internet a été le déclencheur d'une véritable révolution de la manière de consommer la musique. D'ailleurs le Web est dans l’esprit de l’opinion publique la cause des maux du secteur. Le poncif est connu : Télécharger tue l’industrie musicale. Télécharger, c'est du vol ! Et les chiffres sont là : les ventes ont encore une fois déclinées en 2008, de près de 20 %. Les ventes de « single » ont même diminuées de moitié, selon la SNEP (syndicat national des éditeurs phonographiques)

Pourtant, dire que l’industrie musicale est un secteur en crise, et Internet, la cause essentielle, serait réducteur. En effet, les sommes perçues par la Sacem, organisme français de collecte, de gestion, et de redistribution de droits d’auteurs, ont fortement progressé de 2000 à 2005, passant de 600 millions à près de 750 millions d’euros. Aujourd’hui, les revenus de la Sacem avoisinent les 759 millions d’euros. La France n’est d’ailleurs pas un cas isolé : aux Etats-Unis, la BMI (Broadcast Music Inc.), équivalent outre-Atlantique de la Sacem, annonce pour 2008 un record de revenus, dépassant la barre des 900 millions de dollars collectés.

Plus que de crise du secteur musical, on peut aujourd’hui parler d’une « crise du CD ». C’est en effet la raison pour laquelle il existe une différence entre les revenus des artistes et les ventes de CD : seuls des artistes d’envergure, comme Mylène Farmer, Francis Cabrel ou Jean-Jacques Goldman souffrent de ce déclin. Selon une source de la Sacem, seuls 5 % des artistes vivraient grâce aux ventes de disques. Dans les années 90, les possesseurs de vinyles ont racheté en masse les CD d’albums déjà en leur possession, en plus des nouveautés. Cette période révolue, le CD est en pleine remise en question, à l’heure du téléchargement, légal et illégal.

Le téléchargement illégal est vu comme le principal ennemi du commerce musical. Devenus incontournables, les peer-to-peer (paire-à-paire, logiciel permettant de télécharger gratuitement films et musiques) ont été testés au moins une fois par 37 % des internautes français. Pour la classe politique, comme pour les majors le problème du secteur musical vient de là. C‘est dans ce contexte qu‘est né le projet de loi  « Création et Internet » , plus connu sous le nom de Hadopi. Votée par l‘Assemblée Nationale le 2 avril, cette loi permet la création d‘une Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection de Droits sur Internet, ainsi que des sanctions par « réponse graduée » contre le téléchargement illégal. En effet, le « pirate » recevra d‘abord un e-mail d‘avertissement, puis un recommandé, avant la coupure de la ligne Internet. Sujet de discordes concernant le texte en lui-même ou sa portée à terme, la loi est la bienvenue pour de nombreux artistes. Pour la SNEP, Hadopi est un « moyen de favoriser le téléchargement légal, aujourd’hui plus facilement accessible ». Mais son influence est toutefois relative, dans la mesure où a loi ne prend pas en compte les sites de streaming (en diffusion directe), redevenu à la mode depuis cette lutte contre le téléchargement. Megaupload, pour les vidéos sont utilisés chaque jour par de nombreux internautes. Deezer, le site de streaming musical, est quant à lui parfaitement légal, des accords avec les ayants droits ayant été trouvés (147 euros par ayants droits). Et l’identification des pirates par adresse IP (carte d’identité numérique) est aussi contestable, dans la mesure où il est possible de crypter son accès au réseau.

Aussi, on peut relativiser l’influence du téléchargement illégal sur la crise du disque. En effet, beaucoup de « pirates » qui utilisent les plates formes de téléchargement illégal achètent en aval le morceau. L’exemple n’est pas nouveau : dans son ouvrage « Play-back », le journaliste Mark Coleman revient sur une campagne américaine lancée en 1979, lancée par l’industrie musicale (Home Tapping is Killing Music, ou la copie de cassette tue la musique). Or une étude montrait la même année que les copieurs de cassettes étaient aussi les plus gros clients des disquaires… Finalement, découvrir un artiste par téléchargement peut entraîner par la suite un achat d‘album.

En principale concurrence avec les peer-to-peer, et même conçus pour lutter contre eux, les plates-formes de téléchargement légal se développent et gagnent de plus en plus d’adeptes. En 2008, les ventes numériques ont augmentées de 49 % selon la SNEP, soit 76 millions d’euros. Au leader mondial iTunes, d’Apple, sont venus s’ajouter sur le marché du numérique Amazon, VirginMega, ou encore Neuf Music. Les réseaux sociaux, MySpace en tête, entendent également bouleverser le marché, avec leur plate-forme de téléchargement et de streaming, MySpace Music. Facebook aurait également pour projet de se lancer sur le marché ; des négociations ont cours avec les majors. Outre Deezer, d’autres sites de streaming ont une reconnaissance internationale (Last.fm, Awdio…). La mode est aussi au téléphone portable multimédia : le développement de la musique mobile est donc en cours. Le leader du marché, SFR, revendique 9,7 millions de téléchargements mobiles en 2008 (soit 61 % du marché).

Plus qu’une crise classique, le secteur de la musique est en train de vivre une véritable évolution conjoncturelle. Le CD est en train de passer la main au « tout-numérique », solution directe contre un piratage, qui est au final davantage nocif pour les majors que pour les artistes.

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